Dans les films faisant la part belle à la mafia italo-américaine, les repas tiennent une place centrale. Les spaghetti ne sont pas là pour jouer les second rôles ou même les figurants, pas plus que les cannoli qui semblent plus importants encore que les flingues, durant les règlements de comptes, si l’on en croit Clemenza (Richard S. Castellano) dans une scène du Parrain devenue culte : «Leave the gun, take the cannoli».
Enjeu crucial, la cuisine comme la mafia, c’est une affaire de famille. Les clans se transmettent les secrets des recettes comme ils se transmettent les secrets de leurs règnes sur la communauté. Les repas sont l’occasion de se retrouver et de parler affaires, toutes sortes d’affaires, voire même d’offres qui ne se refusent pas. Que ce soit l’occasion d’une vengeance, d’une rencontre, d’un deal ou encore d’une réunion de famille, tous les prétextes sont bons pour s’attabler et déguster des plats italiens.
L’Italie c’est ce pays qu’ils ont dû quitter et laisser derrière eux mais qu’ils ne veulent pas abandonner. Leur attachement à cette terre et sa culture est sincère et profond. La gastronomie italienne est toujours aussi présente d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. C’est le reflet de l’ancrage à leurs origines, leurs racines, leurs traditions, leurs terres, leurs souvenirs et même leur richesse. C’est tout ce qui fait d’eux ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent.
Depuis les années 70 et la sortie du plus célèbre film d’entre tous, Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972), les longs métrages sur la mafia italienne immigrée aux États-Unis au début du siècle se succèdent : Scarface de Brian de Palma (1983), Il était une fois en Amérique de Sergio Leone (1984), Casino de Martin Scorsese (1995), Donnie Brasco de Mike Newell (1997) et Les Affranchis de Martin Scorsese (1990) qui expose finement la place prépondérante de la gastronomie italienne et l’amour inconditionnel que les criminels italo-américains lui portent.
La food est le fil rouge de ces films. Les gangsters se rencontrent dans les pizzerias, se côtoient devant les flammes des barbecues et donnent leur parole d’honneur la bouche pleine de lasagnes de la mamma. Les plats de la mamma justement, souvenirs d’enfance et d’insouciance, sont évidement toujours les meilleurs, à l’écran comme dans la vie. Robert De Niro a d’ailleurs décrété que la pizza pepperoni de Catherine Scorsese (mère de Martin Scorsese et présente dans plusieurs de ses films et sur les tournages), n’est pas moins que la meilleure pizza del mondo !
À l’instar de leur hiérarchie aussi bien ficelée qu’un gigot de qualité, la nourriture est toujours un marqueur d’ascension sociale : dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Une notion qu’illustre parfaitement Les Affranchis. Henry Hill enfant se vante de ne pas faire la queue à la boulangerie car son statut lui procure ce passe-droit. On peut également lire en conclusion du livre de Nicholas Pileggi (dont s’inspire le film) «bon sang, je ne peux pas avoir de la bonne bouffe ici», ou comment même tomber au plus bas de l’échelle sociale, le bien manger reste une préoccupation primordiale.
En témoigne également la cultissime scène du repas en prison : le plat est préparé minutieusement, «Vinnie, don’t put too many onions in the sauce», et les compères se retrouvent autour d’un abondant et fastueux dîner.
Les Affranchis
Dans les ruelles, aux portes des arrière-boutiques ou piégés entre quatre murs, au cœur des réseaux de contrebande, au milieu de la drogue et des cigarettes, la gastronomie demeure une valeur refuge. Sous le manteau les deals de homard, steak, salami, poivrons, pâtes et vin rouge vont bon train. Les victuailles s’entassent dans les celliers et les cellules.
L’ail est taillé à l’aide d’une lame de rasoir qui a sans doute déjà tranché des gorges, pendant que certains se font assassiner à grands coups de couteau de cuisine. Tous risquent de finir comme de vulgaires steaks saignants à l’image de Frankie Carbone (toujours dans Les Affranchis) qui terminera ses jours suspendu à une esse, au beau milieu du camion frigorifique de boucherie. Belle métaphore.
Les aliments peuvent également être annonciateurs de mauvais présage et de mort, comme les oranges dans Le Parrain : Don Corleone achète des oranges avant d’être victime d’une fusillade, Michael se voit offrir une orange avant que sa maison ne soit mitraillée, Don Fanucci se promène une orange à la main avant d’être tué, Don Corleone se meurt entouré d’oranges devant son petit-fils, et Michael mange une orange avant d’ordonner le bain de sang final du Parrain II…
Les Affranchis
La nourriture c’est sacré et gare à celui qui osera blasphémer. Jake La Motta perd son sang froid dans Raging Bull de Martin Scorsese (1980) face à un steak bien trop cuit. Quand Henry Hill, lui, se fond dans le troupeau, il se plaint : « j’ai commandé des spaghetti à la sauce marinara, j’ai eu des nouilles au ketchup ».
Rien que dans la trilogie du Parrain on retrouve 61 scènes où l’on mange et où l’on boit, et une vingtaine dans Les Affranchis, ce qui reste néanmoins toujours peu face aux 296 «fuck» prononcés durant le film. Les recettes tirées de ces longs métrages sont devenues si cultes et populaires, qu’on peut trouver de multiples vidéos et articles à ce propos. Comme par exemple les lasagnes de mamma Corleone, les fameuses « polpette à la sauce tomate » de Clemenza dans Le Parrain, le sandwich au pastrami de Il était une fois en Amérique ou encore le coq au vin d’Al Pacino pour Johnny Depp dans Donnie Brasco.
Les Affranchis
À Paris, les bonnes adresses de cuisine italienne ne manquent pas, cependant il y en a une qui sort du lot. Parce que la mafia dans les films on adore ça, mais dans la réalité on préfère combattre le crime, à notre manière, on vous propose une adresse inédite : La Poesia. Le créneau de ce restaurant familial est de proposer des produits fournis par l’association italienne Libera Terra, qui cultive les terres agricoles confisquées au crime organisé. Une poésie dans le nom, dans les assiettes et dans l’engagement, on ne peut qu’approuver.
Aussi, vous pourrez découvrir à l’occasion du Food Market Italie, le jeudi 11 mai 2023, les polpette de l’épicerie italienne Honorati. Une garniture de qualité, rappelant la recette culte du film Le Parrain, pour une focaccia moelleuse parsemée de pecorino romano.
Pour retrouver toutes nos recommandations, rdv dans la rubrique Adresses.
Si vous aussi vous voulez vous mettre à la sauce gangster, on vous donne la recette «polpette à la sauce tomate» de Clemenza dans Le Parrain :
Temps de préparation : 20 minutes - Temps de cuisson : 40 minutes - Quantité : 8 personnes
Ingrédients
4 saucisses italiennes
500g de boulettes de viande
300g de tomates pelées au jus
60g de sucre
20cl de vin rouge
15g de concentré de tomates
3 gousses d'ail
2 cuillères à soupe d'huile d'olive
Préparation
Le Parrain I
Et pour déguster tous les plats de vos mafioso préférés, on vous conseille le livre «À table avec la mafia - 90 recettes italo-américaines» de Claire Dixsaut et Philippe Di Folco.
Filmographie