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ROQUETTE MAN

LA TERRASSE LA PLUS CALIENTE DE BAGNOLET...
Publié le 16 octobre 2023, par Le Food Market®

La montée en force du piment ces dernières années réchauffe les estomacs. Depuis 3 ou 4ans le piment est partout, dans toutes les bouches : des restaurants qui en font leur marque de fabrique (Penny and Ka, vu sur Le Food Market® ou encore Jajaja à déguster sur Le Food Market® x SOIF du jeudi 16 novembre 2023), aux réseaux sociaux qui défient les plus aventureux (le challenge de la chips pimentée a fait des émules sur TikTok) en passant par les émissions de télé qui s’emparent du phénomène (comme Hot Ones qui s’amuse des effets secondaires du piment)…

Le piment est pluriel et il y en a pour tous les goûts : doux ou chaud, frais ou séché, d’Asie ou d’Amérique, entier ou en sauce… Rien n’est impossible avec le piment.

La capsaïcine qui est la molécule responsable du piquant se trouve dans les graines et les parties blanchâtres à l’intérieur du fruit. Cette « piquance » est évaluée avec l’Échelle de Scoville créée en 1912 par le pharmacologue du même nom. Le principe du calcul est le suivant : une solution de piment frais entier réduit en purée mélangée à de l’eau sucrée est testée par plusieurs personnes. Tant que la sensation de brûlure persiste, la solution est d’avantage diluée. Et lorsque enfin le piquant disparaît, la valeur de la dilution sert de mesure à la force du piment. Aujourd’hui l’Échelle de Scoville n’a plus de secret pour personne et tout le monde s’arrache les nectars les plus brûlants. On vous remet là le lien vers notre meilleur (faux) ami Wikipédia pour jeter un oeil à l’échelle plus en détail.

Trinidad Moruga Scorpion, Caraïbes - 1 200 000 Scoville
Aji Mango, Pérou - 150 000 Scoville

On ne vous cache pas le détecteur activé dans notre cerveau par ce degrés de « piquance » est le même que celui qui doit nous empêcher de faire des choses idiotes comme ramassé une branche en feu à mains nues ou croquer dans quelque chose de si chaud que cela pourrait provoquer des lésions.

Mais les piments au delà de leur force, sont aussi variés en saveurs et présentent une accoutumance : plus vous en mangez, plus vous vous habituez à leur chaleur, moins le piquant se fait sentir. Voilà pourquoi des personnes venues de régions où l’on a pour habitude de manger pimenté sont moins sensibles que celles qui n’en mange que rarement voire pas du tout. Si vous souhaitez découvrir toutes les saveurs du piment, on vous conseille de vous y mettre doucement mais sûrement. Et pour ça rien de plus facile tant le piment s’accorde avec tout.

Et ce n’est pas Roquette Man, le cultivateur du ter-ter qui dira le contraire !

Improbable mais vrai : depuis 2019, Thibaut aka Roquette Man de son nom de cultivateur, fait pousser des piments sur le toit de son appartement à Bagnolet. Là tout en haut, sur la cime du bâtiment A, avec vue sur les Mercuriales et le périph’, toutes sortes de piments se la coulent douce.

À la ville, Thibaut est étalonneur mais quand il passe la porte de chez lui il n’a plus qu’une seule obsession : le feu du piment. Une passion brûlante et dévorante survenue pendant le confinement. Il démarre doucement, en faisant pousser de la roquette, ce qui deviendra son nom officiel dans le milieu ardent des piments. L’homme qui murmure à l’oreille des piments est désormais bien connu des amateurs de ce fruit flamboyant.

Si la plupart des variétés proviennent d’Amérique et notamment du Sud, on en trouve aussi d’Asie ou encore d’Afrique : Aji Mango, Aribibi Gusano, Carolina Reaper, Fatalii, Habanero, Madame Jeanette… Thibaut nourrit un appétit sans fin pour toutes les variétés sans exception.

Il nous a ouvert sa baie vitrée et laissé visiter sa plantation de qualité. Pour un nouveau portrait 1MINUTE2FOOD, Le Food Market® aux cotés de Julien Potart, vidéaste, sont allez à sa rencontre.

Julien : Thibaut, d’où te viens cette passion pour le piment ?

C’est une passion qui m’est venue assez tardivement. Je voulais essayer de faire quelque chose de cet espace [le toit terrasse de son appartement] dédié aux cultures. Au départ, avant le confinement, je voulais vraiment essayer des tonnes de choses. J’ai commencé à faire pousser de la roquette, d’où le nom « Roquette Man », mais aussi des aromatiques un peu rares, des tomates, des concombres, des courges… Et puis pendant le confinement, c’est mon frère qui une fois m’a dit : « pourquoi tu ne te mettrais pas aux piments, ça pousse super bien en ville et dans des pots !? ». Alors j’ai voulu essayer et ça a dépassé toutes mes attentes. Et petit à petit je me suis spécialisé sur le piment. Chaque année, j’essaie de trouver de nouvelles variétés. C’est génial la richesse, la diversité des variétés qu’on peut trouver et j’ai envie de toutes les essayer ! Je cultive des piments, en pots, sur la terrasse depuis 2 ans maintenant.

De nouvelles variétés voient le jour régulièrement, quelle est la dernière en date ?

Ed Curry, créateur du Carolina Reaper (1 600 000 en moyenne sur l'Échelle de Scoville), vient d’annoncer une nouvelle variété de sa création, issue d'une hybridation à savoir le Pepper X, qui culmine à 3 180 000 sur l'échelle de Scoville !

Quelle variété aimerais-tu cultiver ?

Je ne me suis pas encore penché sur le sujet, mais c’est imminent car il faut que je programme mes cultures de l'an prochain. Peut-être le Scotch Bonnet, car j’ai très envie d’explorer les recettes des caraïbes. C’est un piment nommée d'après sa ressemblance avec un tam o' shanter (béret traditionnel écossais). Ce piment est omniprésent en Afrique de l'Ouest ainsi que dans les Caraïbes, il a un indice allant de 100 000 à 350 000 sur l'Échelle de Scoville.

Avant de décider d’en faire pousser tu étais déjà adepte du piment ?

J’avoue que je n’y connaissais rien du tout. Je ne mangeais pas très épicé de base. Mais depuis que je fais pousser des piments, au fur et à mesure je m’y habitue et ça devient presque addictif à vrai dire. J’adore le mélange d'excitation et de curiosité mêlé à l'appréhension de l'Échelle de Scoville ! Aujourd’hui j’aimerais vraiment tous les explorer, je pense notamment au Aji Charapita (connu comme étant un des piments les plus rares et les plus chers du monde, il pousse à l'état sauvage dans la région de l'Amazonie Péruvienne, non loin de la frontière avec le Brésil et a un indice allant de 30 000 à 95 000 sur l’Échelle de Scoville). Je le connais mal et je n’ai réussi à le cultiver qu’une seule fois. Pour le moment je suis le seul à manger épicé dans la famille, mais mon plus grand fils commence doucement à s’initier ainsi que ma compagne ! Et pour le jardinage, ils m’aident parfois à semer ou rempoter mais je me réserve la récolte car je ne préfère pas qu’ils mettent les doigts sur les piments !

Qu’est-ce que la culture du piment t’as apporté, t’as appris ?

Le fait de faire pousser des piments en pleine ville a attisé la curiosité de beaucoup d’acteurs de la food. C’est vrai qu’ici en France à part le piment d’Espelette, on ne connait pas vraiment d’autre variété. Donc le fait de faire pousser autant de variétés, intrigue les gens. C’est aussi une école de la patience les piments, parce que je démarre les semis, que je prépare moi-même, en janvier/février, et la dernière récolte a lieu en novembre. Donc c’est un travail sur le long cours qui est assez passionnant. Aussi, ça m’a permis de faire la connaissance de beaucoup de gens très intéressants du monde de la food, milieu qui m’était encore inconnu il y a deux ans : des restaurateurs, des fans de piments, des gens qui veulent éditer des livres sur le piment, des fermenteurs fous, des gens qui veulent aromatiser des rhums maison, des maraîchers, des épiciers, de simples curieux, et des crafters évidemment ! C’est aussi l’opportunité de participer à des événements plutôt sympas, comme des apéros autour du piment.

Madame Jeanette, Caraïbes - 325 000 Scoville
Fatalii, Afrique - 400 000 Scoville

Peux-tu nous en dire plus sur ces apéros ?

L'idée est de se rassembler de manière plus ou moins régulière entre crafteurs de hot sauces et passionnés du piment, et d'échanger pendant un moment de convivialité et de partage. On boit un verre, on parle piment et on mange épicé… C’est quelque chose qu'on aimerait installer de manière récurrente. 

Est-ce que tu as une anecdote autour du piment ?

Évidemment je garde un souvenir assez amère des quelques fois où je me suis machinalement frotté le visage avec mes doigts après avoir manipulé des piments… La brûlure est bien réelle et immédiate ! [rires]. Il y aussi le jour où une des flasques de ma toute première sauce (celle au Tangelo/Lemon Drop) a littéralement explosé dans ma cuisine en re décorant les murs, parce que la fermentation n'avait pas été correctement stoppée. Le ménage était caliente.

Quel est ton piment préféré et pourquoi ?

Je dirais le Fatalii pour son goût d'agrume, mais c'est dur de n'en citer qu'un ! Et le Aribibi Gusano, de couleur beige pâle, à la forme de ver de terre. D’ailleurs je le recommande aux fans de piquance, c’est une petite pépite bolivienne méconnue.

Et pour les novices, par quel piment conseilles-tu de commencer ?

Des piments plutôt doux comme des Jalapeños, en pickles au vinaigre c'est top. 

Carolina Reaper, USA - 2 200 000 Scoville

Tu fais également des sauces. Peux-tu nous expliquer comment tu mets au point tes recettes ?

Le fait de faire pousser des piments m’a fait me questionner sur « qu’est-ce que je pourrais bien en faire ? ». Comme j’ai une production assez importante, bien que la surface de culture soit assez modeste, ça m’a permis de les exploiter sous différentes formes : sauces pimentées, piments déshydratés, moulus, broyés, … Les piments et autres fruits et légumes que j’ai dans mon potager me dictent les sauces que j’ai envie de préparer. J’essaie de me servir au maximum de tout ce qui pousse sur la terrasse et c’est ce qui me donne des idées de recettes. J’aime faire des éditions très limitées de 20 à 30 bouteilles maximum et les recettes changent tout le temps. Il n’y a pas de sauce signature. Pour le moment… Les gens qui achètent mes sauces sont en fait la plupart du temps des gens qui apprécient le piment, curieux et qui veulent découvrir autre chose que le Tabasco. Et s’ouvrir à d’autres saveurs.

Quelle est ta recette favorite avec du piment ?

Je dirais le concombre tapé à la chinoise, que je relève avec un peu de Lemon drop en flocons de ma production : concombre, vinaigre de riz, sauce soja, huile de sésame, sucre, graines de sésame, ail et cives + piment ! J'ai aussi récupéré les restes de la pulpe de fraises et Carolina Reaper issue de ma dernière sauce, que j'ai mélangé avec des flocons de Lemon Drop. Parsemez ça sur une crêpe au chocolat et paf ! C’est une association de malade. 

Quelle est la prochaine étape ?

Idéalement j’aimerais bien réussir à trouver un endroit pour y installer une serre. Une serre en pleine ville ce serait assez beau comme projet. Pour pouvoir exploiter encore plus de piments, faire pousser encore plus de variétés, et pourquoi pas travailler avec des restaurateurs et pouvoir leur fournir une production un peu plus conséquente.

Aribibi Gusano, Bolivie - 45 000 Scoville

Est-ce qu’il y a une ou des personnalités qui gagnent à être connues dans le monde du piment ?

Le monde du piment rassemble tellement d’acteurs extrêmement sympas et intéressants, je pense à toutes les personnes que j’ai rencontré de près ou de loin depuis que j’ai commencé à m'intéresser au piment, avec notamment : Joseph de Ufo Labotary, qui propose des créations très originales de sauces et condiments. Claire de Puckle hot sauce, les amis de Molho Molho ou encore Sweet Pepper Shop et les filles de Penny and Ka. Ce sont des gens passionnés et l’échange d’informations au sein de cette « guilde » est inestimable. 

Quelles sont les adresses hot de la capitale que tu recommandes pour déguster le piment ?

Bang bang ou encore Le Servan et Double Dragon. Mala Boom est aussi un incontournable.

Quels sont tes projets à venir ?

Je prépare une nouvelle sauce pimentée avec entre autres de la citronnelle, que je cultive sur mon toit. J'aimerais aussi avancer sur mon e-shop, qui me permettra de vendre mes sauces mais pas que… J'ai encore plein d'idées de produits très sympas autour du piment. J'ai aussi deux collabs sur le feu, il me manque juste un peu de temps pour que tout cela devienne vite réalité !

 

Suivez Roquette Man sur son compte instagram : @roquette_man

Ou sur son site internet : roquetteman.com

Et pour l'interview en image ça se passe dans la vidéo 1MINUTE2FOOD, réalisée par Julien Potart, juste en dessous.

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