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Tégestophilie : amour, mousse et sous-bocks

Quand le malt et le houblon vous ensorcellent et vous emportent dans le tourbillon des brasseries…
Publié le 30 août 2023, par Le Food Market®

Tégesto-quoi ? TÉ-GES-TO-PHI-LIE !

Ce mot alambiqué et méconnu au sein même du monde de la bière, désigne l’art de collectionner les sous-bocks et par extension, tout objet se rapportant à la bière. Et comme toute passion, cette dernière à donc son nom, sa communauté, ses rendez-vous…

L’association Brassicol’, la plus réputée de la discipline, a été créé en 1995 par une poignée de collectionneurs venus d’Alsace, terre promise des amateurs de mousse. Bien plus que de simples réunions de passionnés, ce club de tégestophiles organise ou participe à divers événements en lien avec la promotion de la bière et des brasseries et la préservation de leur patrimoine. Pour s’instruire sur le sujet, le groupe a également édité un magazine, « Bock en stock » (version web et papier), explorant toutes les facettes de l’univers de la bière : notes de dégustations de bières, agenda tégestophile, historiques de brasseries, dépôts de marques…

Jacques Warmel, président de Brassicol’, vous livre ici toute son expertise en la matière.

Glacoide de la brasserie Roehrig à Lorenzen

Pour commencer pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la tégestophilie ?

Ce mot vient du latin teges - tegetis, qui veut dire « la natte » : un ouvrage fait de brins de matière végétale entrelacés. Cette natte tressée faisait office de dessous de cruche, dessous de gobelet... Les premiers tégestophiles furent donc les collectionneurs de sous-bocks.

Par extension, le mot a ensuite désigné toute collection se rapportant aux objets liés à la bière : sous bocks mais aussi verres, chopes, capsules, étiquettes, publicités en tôle, en papier, en plastique, cartes à jouer, canettes, éventails, porte-clefs et autres objets ou gadgets liés à la bière...

Pourquoi, quand, comment, cette passion est-elle apparue dans votre vie ?

En 1991 j’ai commencé à récupérer des verres à bières un peu partout car je trouvais cette activité sympathique sans savoir qu’il existait des clubs de collectionneurs. Ensuite j’ai rencontré l’un d’eux qui m’a dit qu’une réunion de collectionneur d’objets de brasserie aurait lieu à Colmar. Et tout est parti de là. À mes débuts, lors d’une réunion qui se déroulait à la brasserie Meteor, je déballais à la sauvette en extérieur et une personne est venue me trouver pour me mettre dehors car je n’étais pas adhérent à l’association. Il s’est avéré que par le plus grand des hasards j’avais des objets que celui-ci n’avait pas dans sa collection. Alors par la suite nous sommes devenus les meilleurs amis.

 

Expliquez-nous comment vous chassez les bons plans ?

Chasser, chiner ou dégoter c’est un travail de longue haleine qui ne s’improvise pas car les objets ne tombent pas du ciel. On en trouve un peu sur les marchés aux puces mais le mieux c’est d’avoir un réseau de rabatteurs, comme des brocanteurs. Nous avons aussi les sites de vente en ligne et les réseaux sociaux, la presse. La meilleure méthode c’est de rentrer dans une association tégestophile car c’est la que nous faisons croître la collection, nos connaissances et le cercle amical.

Photo de Jacques avec son ami Jean Paul Jehl dans son café à Otterswiller

Sur quoi se concentre votre collection personnelle et combien d’objets compte-t’elle ?

Ma brasserie préférée est celle de Sarrebourg en Moselle qui a fermé en 1970, car j’habitais à côté et notre fils est né à Sarrebourg. J’ai flashé sur leur logo qui représente un fumeur de pipe tenant un bock de bière. Je suis collectionneur des objets de cette brasserie en particulier avec plus de 300 objets ! Ensuite je collectionne aussi les affiches de brasserie et pour finir je fonctionne au coup de cœur car si un objet me plaît, je le garde.

Chope de la brasserie de Sarrebourg datant de 1905
Projet de la Brasserie Perle Strasbourg des années 30

Jusqu’où iriez-vous pour une pièce de collection exceptionnelle ?

Un vrai collectionneur n’a pas de limite. Un collègue allemand m’a dit avoir connu un collectionneur qui avait hypothéqué sa maison pour pouvoir emprunter l’argent nécessaire à agrandir sa collection. Sans aller dans ces cas extrêmes, un collectionneur passionné peut parcourir des milliers de kilomètres et dépenser beaucoup d’argent pour une pièce d’exception.

 

Vous-est-il arrivé de parcourir le monde pour assouvir votre passion ?

Une fois avec plusieurs amis collectionneurs nous sommes allés en Slovaquie pour une réunion internationale organisé par le BCWC (Brewery Collectibles World Convention). Cette réunion était sympathique par l’ambiance et la convivialité bien que je n’y ai pas enrichi ma collection. Cela nous a permis de rencontrer et de partager avec d’autres collectionneurs.

Affiche bière de Saint Nicolas à Saint Nicolas 1930

Quelle est la pièce de collection ultime d’un bon tégestophile d’après vous ?

La notion de pièce ultime signifie d’une certaine façon que la collection est accomplie, donc qu’elle est finie, ce qui est contraire à la quête perpétuelle qui anime les collectionneurs. La pièce maîtresse de ma collection pour être honnête avec vous, je ne l’ai pas ! C’est celle que j’espère rentrer et que je ne connais pas et ensuite dès que je l’ai, je passe à la suivante. Je suis comme un grand enfant qui a un nouveau jouet et le lendemain ne joue plus avec.

C’est pourquoi nous ne nous aventurons pas dans cette direction et que nous misons d'abord, au sein du club que je préside, sur ces trois valeurs :

Échanges : par la communication entre membres et/ou par les échanges d’objets de brasserie.

Convivialité : créer et maintenir une bonne ambiance, ce qui signifie aussi gérer et contenir les rares mais inévitables dérives…

Défense du patrimoine brassicole : par la promotion, la conservation et la préservation de la mémoire des brasseries à travers leurs objets du quotidien.

À quelle fréquence vous réunissez-vous avec vos amis tégestophiles et comment se déroulent ces

rendez-vous ?

Les réunions portent le nom de bourse d'échange, car l'échange d'objets est privilégié, mais on y vend et achète également et nos clubs sont des lieux de rencontre entre collectionneurs. Nous nous réunissons environs 6 fois par an. La bourse la plus importante en France et celle du Brassicol’ qui a lieu en Alsace une fois par an à Otterswiller.

 

Quels sont, d’après vous, les choses à savoir pour se lancer dans la tégestophilie ?

Être tégestophile, c'est vouer un certain intérêt aux objets de brasserie divers et varié comme les sous-bocks, étiquettes, capsules, verres, chopes et tous types de publicités sur la bière. Pour moi il faut collectionner avec son âme dans un premier temps, et apprendre la patience.

 

Est-ce une passion que vous partagez avec votre entourage ?

Arrivé à un certain stade nous devons être en osmose ou synergie avec notre entourage car nous consacrons pour la collection pas mal de temps ainsi que pour l’association de collectionneurs que j’anime, Brassicol'. Cette passion me prend beaucoup de temps, mais quand on aime on ne compte pas…

Vue de brasserie de Reichshoffen Alsace 1905

Pour vous qui est le plus grand tégestophile ? Il y a t’il une figure emblématique dans le milieu ?

Il n’y a pas de grand tégestophile, je n’évalue et ne juge pas la qualité de nos membres à la rareté des objets qu’ils possèdent ou qu’ils présentent, ni à l'aspect esthétique de ces objets (notion toute subjective), ni au prix que nos membres sont capables de les payer, ni même au nombre d’objets qu’ils possèdent...

 

Les objets de la tégestophilie ont-ils une grande valeur ?

Pour commencer les objets de brasserie étaient offert au cafetier à l’époque. Après la valeur va suivre l’offre et la demande, qui elles-mêmes connaissent des fluctuations au fil des ans.

 

Quel est votre meilleur souvenir de tégestophile ?

Ce serait trop difficile, car chaque souvenir est inoubliable. Mais je parlerais des rencontres que j’y ai faites, des gens passionnés et passionnants, des personnalités inoubliables.

Gretelbrau bière de l’association Brassicol’
Couverture du Magazine "Bock en stock"

L’association brasse sa propre bière, la Gretelbrau. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Cette bière est brassée par Christian Artzner propriétaire de la brasserie Perle à Strasbourg, et mise en bouteille par ces soins. C'est une pils de 5,4% alcool, blonde de fermentation basse aux houblons classiques. Pils à la robe dorée, arômes miellés et herbacés, bel équilibre entre douceur et amertume, un vrai retour aux origines de la bière alsacienne. Une recette fidèle à mes ancêtres brasseurs : le houblon d’Alsace Strisselspalt confère ce bouquet élégant à la Perle Pils, bière blonde aux reflets cuivrés. Elle se marie très bien avec la choucroute, le munster, ou encore le fish and chips.

 

Voulez-vous ajouter quelque chose à cette interview ?

La collection doit être un plaisir, un hobby et j’encourage les gens à nous rejoindre. À brassicol' on allie la passion des objets de brasseries avec le souci de la convivialité. Il n'est pas rare de voir les membres discuter autour d'une bière bien fraîche, car nous aimons également boire le breuvage et pas seulement en collectionner les objets. Toujours avec modération. Certains ramènent fromages, charcuteries ou gâteaux de leurs régions, pour un casse-croûte pris en commun, dans la bonne humeur.

Échanges, convivialité, patrimoine, ça c'est Brassicol' !

 

Jacques Warmel

Président de l’association Brassicol’ — www.brassicol.fr

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