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RETHORI EK : L'ALICHEUR

La cuisine sans friture arrosée d'énigmes maison...
Publié le 30 mai 2023, par Le Food Market

L’Alicheur c’est une institution qui régale habitués et curieux depuis 20 ans déjà. Dans cette petite échoppe bleue et jaune de la rue Saint-Maur à Paris, Rethori, chef et boss de cette cantine incontournable, s’inspire des recettes cambodgiennes, pays dont lui et sa famille sont originaires. Mais attention, ici pas question de tout passer dans l’huile et la friteuse, comme c’est le cas au Cambodge ! Rethori travaille des produits frais, du marché, de saison, et tout est cuisiné à l’eau, sans huile et sans friture. Une sorte de fast food détox en somme, comme il aime le dire lui-même. Un menu varié et changeant à base de bouillons, de nouilles ou de riz et agrémentés avec les saveurs du moment. Pour finir le tout est parfumé de sauces au choix, dont la fameuse sauce spéciale Alicheur.

L’accueil est chaleureux et dans une ambiance conviviale, voire presque familiale, Rethori a toujours un petit mot personnalisé pour chacun de ses clients fidèles.

Enfin, le petit plus énigmatique ici, ce sont des devinettes créées par Rethori lui-même, écrites à la craie sur des ardoises noires accrochées au mur. Si l'attente se fait longue, vous pouvez vous creuser les méninges pour patienter en attendant d’assouvir votre appétit. Si vous parvenez à déchiffrer une énigme vous repartirez en prime avec un dessert offert.

Rethori est une figure emblématique du quartier et un personnage très attachant, alors à l’occasion d’un nouveau portrait 1MINUTE2FOOD pour Le Food Market®, Julien Potart, vidéaste, est allé à sa rencontre.

Julien : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Rethori : Je m’appelle Rethori, j’ai ouvert L’Alicheur en janvier 2003, donc ça fait maintenant 20 ans que je suis ici au 96 rue Saint-Maur. J’ai démarré cette affaire avec ma mère qui m’a appris la cuisine. La cuisine sans friture c’est lié au fait que mon père a des problèmes de santé, et que ma mère à la maison, cuisine donc sans huile… Une cuisine un peu diététique. On revisite toutes les recettes du Cambodge, puisque ma famille est originaire de là-bas, façon light. C’est ce que j’essaye de faire ici.

 

Comment définissez-vous L’Alicheur ?

C’est surtout une cuisine à base de légumes frais, on va dire en « fast food » : le fait de travailler avec des légumes frais, rend le service assez rapide et on n’est pas obligé de tout passer à l’huile.

 

Comment faîtes-vous pour vous passer d’huile ?

Je cuisine à l’eau tout simplement. Je prends une grande casserole d’eau chaude, je passe tout à l’eau, ce qui permet aux légumes de monter en température et de cuire. En fonction des légumes les temps de cuisson varient donc il faut gérer ce paramètre. Les légumes à base de chlorophylle sont plus longs à cuire à cause de la cellulose qu’ils contiennent. Alors que des légumes comme la carotte peuvent être mangés croquants.

Êtes-vous scientifique à la base ?

Non mais je suis un touche à tout. Je ne suis pas du métier à la base, j’ai appris la cuisine avec ma mère, j’ai beaucoup voyagé et je suis très gourmand, ça se voit (ndlr : il se frotte le ventre un sourire aux lèvres). Quand j’ai ouvert L’Alicheur j’avais 15 kilos de moins et j’avais des cheveux (rires) ! Surtout, je suis très curieux et je lis beaucoup, ce qui me permet d’apprendre pas mal de choses.

 

Est-ce qu’en dehors de la condition de votre père, il y a autre chose qui vous a inspiré cette cuisine à l’eau ?

Cuisiner comme ça c’est vraiment par rapport à mon père. Dans les voyages que j’ai pu faire, il y a des cuisines où l’on va faire des soupes, des bouillons, des choses comme ça, mais comme je le fais ici à L’Alicheur, pas à ma connaissance. Souvent, comme dans la cuisine cantonaise par exemple, les légumes sont d’abord passés à l’huile et ils sont ensuite travaillés au wok, et là aussi de l’huile est ajoutée. Il arrive également que les légumes soient bouillis avant d’être passés au wok. Mais en principe avec le wok, on ne passe pas par l’eau, on travaille tout à l’huile. J’ai un oncle qui a été formé à Hong Kong et je l’ai vu travailler comme ça. À l’inverse, lui était surpris de me voir travailler comme je le fais, à l’eau.

 

Est-ce que les clients sont aussi surpris que votre oncle ?

Les clients sont assez surpris mais dans le quartier j’ai plutôt l’image de quelqu’un chez qui l’on va manger pour une détox. Dans le sens où, après des abus de boissons, de friture ou de gras, ils viennent manger chez moi. C’est ce qui explique aussi que depuis 20 ans, j’ai beaucoup de clients habitués et beaucoup de gens qui reviennent.

Est-ce qu’il y a des choses que vous ne pouvez pas cuisiner avec votre façon de faire ?

Oui en effet, je ne peux pas travailler les poissons. Parce que le procédé que j’utilise, fait que la chair de poisson se disloque.

 

Un des bénéfices de votre cuisine, c’est aussi qu’après avoir mangé chez vous on ne sent pas la friture !

C’est vrai que sans la friture on n’a pas cette odeur de graillon en sortant de l’établissement. Et je dois avouer que lorsque je rentre à la maison, mes enfants sont contents de me faire un câlin, parce que je ne daube pas (rires).

Dîtes-nous quelle est votre spécialité ? Faîtes-nous saliver !

Beaucoup de bouillons et notamment aux champignons parfumés avec une base soja et un second à base de tamarin et citronnelle. Le bouillon soja est plutôt originaire de l’Asie de l’Est, Japon, Corée, et l’Asie du Sud-Est pour le bouillon tamarin-citronnelle. Ces deux bouillons représentent assez bien qui je suis car ma famille est originaire d’Asie du Sud-Est, donc le Cambodge, et de par l’histoire familiale nous avons également de la famille au Japon, en Chine, un peu partout…

 

Est-ce qu’il y a une vraie différence en terme de saveurs avec la cuisine à l’huile ?

Ce que je dis souvent, ce qui surprend les gens, c’est que quand ils voient un asiatique en cuisine, les gens pensent que la cuisine va être elle aussi asiatique alors que pas nécessairement. Ma cuisine en premier lieu est adaptée aux produits que je trouve ici et je dis souvent aux gens qu’en effet je suis d’origine cambodgienne mais jamais vous ne mangerez comme ça au Cambodge. Je ne joue pas du tout là-dessus, parce que c’est totalement différent. Au Cambodge on utilise beaucoup de poissons fermentés, on utilise le pilon pour les salades, ce que je ne fais pas ici. Pour exemple, une salade au Cambodge sera composée de nuoc-mâm, jus de citron, sucre pour la base de la sauce et ensuite tout est passé au pilon avec de la papaye, du crabe salé… Ici quand je fais une salade je fais une sauce à base d’estragon, d’oignons, de citron et d’un peu d’huile d’olive. Ce qui n’a absolument rien à voir.

On peut dire que vous faîtes VOTRE cuisine finalement ?

C’est un peu prétentieux de dire ça mais oui c’est Ma cuisine. Je ne fais pas de cuisine ethnique. Je cuisine en fonction de ce que je trouve au marché, en fonction de la météo : plutôt des plats en sauce quand il fait froid et des plats au four avec une sauce plus légère quand il fait chaud. Et dans ces cas là j’utilise volontiers le nuoc-mâm et autres sauces plus légères que d’habitude.

 

Est-ce que chez vous, vous cuisinez également à l’eau ou il vous arrive d’utiliser un peu d’huile ?

En fait à la maison je ne cuisine pas, c’est mon épouse qui cuisine (rires). Il arrive qu’elle mange ce que je prépare et me donne son avis, mais globalement à la maison avec les enfants c’est elle qui s’occupe de la cuisine. Chez moi il peut aussi m’arriver de cuisiner des lasagnes. Cela dépend souvent de l’envie des enfants. Mais je n’utilise quasiment pas d’huile voire pas du tout, même à la maison.

Vous êtes également connu pour vos énigmes. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Quand j’ai ouvert L’Alicheur je n’avais pas beaucoup de moyens et pour tromper l’attente des clients je me suis dit « pourquoi pas mettre des devinettes » ? Cela me permettait d’interagir avec les clients et surtout pendant que je faisais mes préparations, assez lentement à cause de mon manque d’expérience, cela les faisait patienter. Pour ceux qui trouvent la réponse, il y a un dessert offert à la clé.

Est-ce que vous créez vous-même ces devinettes ?

J’ai toujours beaucoup aimé la lecture, ce qui m’apporte le côté intellectuel qui manque dans mon travail. Donc je me suis aussi servi des devinettes pour « étaler ma science » (rires). Donc oui je crée ces devinettes et c’est un plaisir de prendre le dictionnaire, Larousse 2006, pour le faire. De cette façon vous ne pourrez pas trouver les réponses sur internet. Chat GPT peut-être… Je crée en m’inspirant de magazines, de romans et surtout du dictionnaire. J’y intègre beaucoup d’homophonie et les idées me viennent en fonction de mes envies, mes humeurs, comme ça vient quoi… Et je ne donne jamais les réponses ! Si vous trouvez la réponse de l’énigme, je vous offre un dessert !

Pour le général je suis le meilleur endroit pour passer,
Mais pour le biffin je ne change rien, car il y trépasse. Qui suis-je ?
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